"Words like violence
break the silence
come crashing in
into my little world"


D'un des fenêtres d'une chambre de la Tour air s'élevait un mince filet de fumée. Présence éveillée dans la nuit noire... Adossée au chambranle, Mizuki se tenait là, le regard tourné vers le ciel, une clope à la main, dernier vestige de rêveries multicolores qu'elle avait pu avoir par le passé. Ses fins cheveux d'ébène semblaient vouloir suivre le courant d'air frais qui traversait cette nuit froide, se soulevant par minces mèches aux longueurs disparates. Indifférente, la jeune fille aux yeux en amandes fixait un point inconnu, son regard noir se voilant petit à petit, tandis que son esprit revenait vers ces moments, souvenirs d'une existence révolue ... Vraiment ?

Un ciel d'étoiles qui ne s'éteignent jamais, comme si l'espoir pouvait perduré toujours .. Voila le dernier souvenir que garda la jeune fille avant de partir de son pays d'origine, le Japon. Elle était née un soir de giboulées dans un quartier d'une des banlieues les plus mal famées de Tokyo. On dit que l'endroit où l'on grandit prédomine et influence sur le caractère et sur les actes futurs. Vrai ou faux ? un peu des deux car on ne peut nier que son enfance marqua Mizuki et que cela a influencé ses actes, et sa manière de réagir à certaines situations mais ça ne fait pas tout, loin de là. Elle avait vécu ainsi, entre pauvreté et violence constante, pourtant tant dans son monde que rien ne semblait l'affecter.

Reniflant légèrement, Mizuki écrasa son reste de cigarette, se plongeant dans ses souvenirs, un sourire amer au coin des lèvres.
Elle se souvenait encore de la première fois où elle avait essayé un joint. A peine âgée de onze ans, la fillette voulait être intégrée dans la bande, ne plus être seule .... Puis elle y avait pris gout, guettant avec impatience la prochaine bouffée qui la ferait planer, faisant de ses rêves les plus fous une réalité éphémère.
Au final, plus elle y réfléchissait plus la jeune fille pensait à cette époque avec nostalgie, un moment de sa vie qu'elle ne regrettait pas malgré une ambiance de famille pas des plus saines et un esprit quelque peu embrumé. Elle y avait rencontré des gens qui étaient peu à peu devenus sa famille de cœur, emplissant peu à peu le vide béant d'affection qui brulait en elle.
Tous les foyers ont leur secret, plus ou moins sombres.Certains qui devraient d'ailleurs restés muets pour le bien de tous. Quand Mizuki avait découvert celui de la famille Takashi, son cœur s'était brisé dans la solitude et la honte. Même à présent qu'elle avait fait de l'école de Bewitching son foyer, la jeune fille ne pouvait oublier et sentir à nouveau le regard presque dégouté de son père sur sa poitrine qui commençait à se former, signe de sa honte. Elle avait tout essayé, tout fait pour se rattraper mais rien n'y faisait, l'indifférence de ses parents à son égard ne faisait que s'accentuer ...
Des mois passèrent et la lune imperturbable observait le fil de vie d'un être qui cachait son désespoir derrière une voix chantée aux accents rauques pleurant des larmes de silences. Le jour où sa vie avait basculé, Mizuki s'en rappelle encore, souvenir vif comme marquée au fer blanc. C'était peu après ses 12 ans ... elle était rentrée chez elle et s'était retrouvée face au regard furieux de son père, tenant le petit sachet contenant l'herbe qui lui permettait d'oublier la puanteur de cette existence qu'elle détestait de toute son âme. En plus d'être une fille, ses géniteurs lui reprochaient de ne plus être bonne à rien.
Pour eux, en plus de la honte que cela faisait rejaillir sur leur nom, l'utilité de leur enfant était à présent nulle. L'esprit embrumé par la stupéfaction et la tristesse, Mizuki n'avait pas dit un mot, fermant son cœur sensible et ses lèvres à double tour.
Trahie, abandonnée, la jeune fille avait fui, persuadée de trouver porte close à la moindre tentative. Elle avait vécu ainsi quelques temps, protégée par les rebuts de la société avec lesquelles elle avait lié des liens plus solides qu'avec des gens de son propre sang .... Sa voix, rare et seule manifestation orale de Mizuki emplissait d'espoir les lointaines veillées au coin du feu, et lui avait rapporté même un peu d'argent...
Puis le rêve et la chaleur de ces nuits fut remplacé par le sol froid et dur d'un orphelinat de quartier.
Assistance sociale prévenue de manière anonyme, Mizuki s'était débattue en vain. Nouvelle prison à ses yeux ...
Les souvenirs de ces murs crasseux, de l'ambiance stricte et de lui ... envahissaient encore les cauchemars de la jeune fille certaines nuits. Surveillant pervers, elle muette, faisant une victime désignée. Ses mains calleuses sur son corps, son rire gras et ses baisers forcés ...
La rage au cœur, la jeune fille s'est promis de le retrouver et de le tuer ... une fois en pleine possession de ses pouvoirs, la vengeance tracera une chemin de sang sur les notes de sa vie.
Elle n'en avait jamais dit un seul mot, mais la douleur dans son regard d'ébène suffisait à dissuader le moindre curieux sur cette période de sa vie qui précède son entrée à l'école. Elle en avait retiré une grande peur des contacts humains corporels même si désireuse de sociabilité.
Une larme silencieuse roula sur la joue de la jeune fille maintenant âgée de 17 printemps....Innocence brisée.

Au fil des souvenirs qui traversaient son esprit, Mizuki en vint à sa rencontre avec Arata ... sa moitié. Au moment où la pensée l'effleurait, un mince sourire s'étira sur ces lèvres pâles et une vague de chaleur l'envahit comme une caresse sur sa joue. Entre animal sauvage et femme-enfant, elle avait grandit tant bien que mal, sauvée de cet enfer sur terre qui se disait vouer son existence aux enfants démunis, par un être qu'elle n'aurait pu imaginer ...

Hope...



Lorsque la révolte du feu éclata, Mizuki ne leur avait jeté qu'un regard indifférent. Qu'ils se brûlent les ailes, ces petits papillons de nuit à chercher la gloire et le pouvoir.... Ils finiront ternis et imbu d'eux-même à s'en étouffer. On dit que l'air galvanise le feu, que ces deux éléments ensemble peuvent faire des ravages, c'est vrai mais cela n'intéressa pas la jeune fille quand l'ambition de cette tour tout feu tout flammes de rallier des gens liés à l'air se manifesta. Fidèle à sa propre Tour, Mizuki , même si certaines de ses pulsions auraient pu être comblées, ne le jeta pas une once d'intérêt. Elle les haïssait pas, mais était persuadée que leur manière d'agir n'était pas forcément la meilleure.
Pas de geste encourageant ou malveillant, juste le pire ...l'indifférence et le silence. S'ils en venaient à lui faire pression ou autres, à ce moment, la fille des rues, presque cruelle, se réveillait et se révoltait ...

Sa rêverie fut interrompue par un fin courant d'air ... grincement d'une porte.
Mizuki n'avait pourtant pas laissé de lumière suspecte ou quoi que ce soit qui aurait pu trahir sa présence. Elle se retourna légèrement, les sens aux aguets.

"Oui? "