&
K Y P & A T A H A N A
WILL YOU STAY AWAKE FOR ME?

Un soupir vient troubler le silence de cette fin de journée. Personne dans la tour réservée aux élèves du feu, à croire qu’ils étaient tous obnubilés par leurs études. Kyp lui, se morfondait tout seul, il n’avait pas la moindre envie d’étudier, comme à son habitude en fait. Pas qu’il n’aimait pas la magie, bien au contraire d’ailleurs puisqu’il ne pouvait pas vivre sans elle, ni même sans son ourse favorite. Elle était la seule a avoir frayé un chemin jusqu’à son cœur, même s’il ne s’en était pas vraiment rendu compte et qu’il ignorait pourquoi. Après tout, cette tête de mule continuait à le traiter comme un gamin, un moins que rien et même pire que, mais il ne savait pas pourquoi. A ce moment d’ennui intense, elle n’était pas là pour le distraire de ses remarques acerbes, à croire que tout était prémédité pour l’ennuyer. Il laissa son regard azuré s’égarer par la fenêtre et il se prit à observer plus qu’intensément un oiseau voler. Et s’il avait été de l’élément de l’air ? Est-ce que ça aurait changé le cours de sa vie ? Est-ce qu’il aurait changé ? Des questions qu’il se posait souvent, dès que son esprit s’égarait. Il s’imaginait toujours faisant parti d’un autre élément et le pire dans tout ça c’est que ça ne lui déplaisait pas. Il resta dans la même position, sans bouger, quelques minutes, avant de sentir le bras déposé sous sa tête s’ankyloser. Combien de temps était il resté là sans bouger ? Il haussa les sourcils, avant de se relever difficilement. * « Bon sang ! Faut que je reprenne le sport moi, j’commence à m’encroûter… » « De quel sport tu parles exactement ? » « Le retour poétique de l’Ourse, bienvenue… » « Ose dire que j’ai tort… » * Il commença à rire doucement, bien que le cœur n’y soit pas vraiment. Il savait pourtant qu’elle ne serait pas dupe, mais il continua quelques secondes avant de se stopper finalement et de se diriger vers la porte de son pas impérieux.

Même s’il marchait, il n’avait aucune destination en tête, la seule chose qui importait maintenant, c’était de ne plus rester seul. La solitude, il ne connaissait que trop bien même s’il passait son temps à la fuir. Il ne voulait plus d’elle, plus jamais, mais il la rejetait tant qu’elle s’accrochait plus fort encore, que ce soit en la présence de son ourse ou alors de ses nombreux amants. Kyp poussa un nouveau soupir, avant de manquer entrer dans un élève de moindre année. Il ne lui jeta qu’un regard méprisant, agrémenté d’un petit « pfff ! » de circonstance. Il ne se rendait pas compte le moins du monde que son attitude était la conséquence directe de la solitude tant honnît… Il se détourna finalement de la scène, pour entrer dans la première pièce qui lui tombait sous la main. Il ne put retenir un nouveau soupir en reconnaissant l’endroit. La bibliothèque… L’ennui qu’il ressentait augmenta d’un cran rien que par l’effet de la pièce et il se sentit brusquement mal à l’aise. Quelle idée de créer un endroit aussi effrayant, avec tous ses livres. * « Quel esprit fin ! » » * Kyp se refrogna un instant face à l’acuité des paroles de son totem, vexé comme un pou, comme à chaque fois qu’elle daignait ouvrir la bouche d’ailleurs. Cependant, sa contrariété s’envola bien vite lorsque son regard fit le tour de la pièce. Hopkins… L’incarnation… Celle qui réussit à faire naître un sentiment d’infériorité chez le jeune feu. Qui aurait cru qu’il aurait pu être intimidé par une femme ? Personne… Et pourtant c’était ce qui arrivait maintenant ! Lui qui n’avait jamais eut aucun mal pour draguer femmes et hommes se retrouvait comme un enfant face à elle.

Était-ce sa grâce ? Son charisme ? Son pouvoir ? Sa beauté ? Ou alors le danger potentiel à être vu avec elle ? Certainement tout un ensemble, aussi attirant qu’intimidant. Jusqu’ici, jamais il n’avait eut le courage d’aller la voir, certainement aussi parce qu’il détestait les défis. Kyp Stallon aimait la facilité, il préférait de loin récolter ce qui tombe de l’arbre plutôt que d’aller cueillir les fruits dans les branches. Cependant, avec elle, qui l’intriguait autant qu’elle lui faisait envie, le garçon avait envie de chercher la difficulté, d’autant plus à cet instant, alors qu’il s’ennuyait… D’un pas devenu désinvolte, il s’approcha de sa table, pour y déposer ses deux mains à plat. Il essaya de faire partir la boule qui était née dans son ventre rien qu’avec cette approche et de se composer un visage avenant et serein. « Je te dérange pas ? » * « T’as rien de plus pourri comme entrée en matière ? » * « Oh toi la ferme… » A peine eut il finit de parler que son visage s’empourpra soudainement. Elle le troublait tellement qu’il en arrivait même à oublier de parler dans sa tête, ce qui n’arrivait pour ainsi dire, jamais. « Oh excuse moi… Je ne sais pas ce qui m’a pris… » Dans sa tête un ricanement se fit entendre, alors qu’il fermait les yeux comme pour mieux subir les moqueries de son totem. Il les rouvrit pourtant bien vite, pour essayer de placer son regard sur elle, même s’il se faisait fuyant, une chose qui ne lui était jamais arrivé. Il ne bougea pas pendant quelques secondes, avant de se rendre compte qu’il devait passer pour un complet idiot, chose qu’il n’arrivait pas à cautionner. Aussitôt, il se redressa pour retrouver de son aplomb, même s’il se sentit immédiatement idiot, comme si tous ses gestes étaient ridicules lorsqu’il se trouvait à ses côtés. « Désolé tu dois me trouver idiot… » Il tenta un petit sourire charmeur, mais ce ne fût qu’un timide sourire contrit qui étira ses lèvres, achevant de le rendre ridicule…

Il était presque dix-neuf heures mais elle n'avait même pas commencé son tour d'observation. Et c'était très mal. Habituellement, elle se gardait quelques heures après la fin des cours pour se promener dans sa tour, histoire de vérifier si tout allait bien et si un élève n'était pas coincé en haut d'un arbre. Figurez-vous que c'est facile d'y grimper lorsqu'on est un singe, mais nettement moins d'en redescendre lorsqu'on a reprit forme humaine. En bref, elle avait l'impression d'être un pomper allant à la rescousse de chat coincés, d'enfants entortillés dans des herbes et je ne sais quoi d'autre encore. Mais cela ne la gênait pas. Elle prenait son rôle très au sérieux, parce qu'il était de son devoir de veiller sur ses amis de la Terre. L'Incarnation déambulait dans les couloirs, adressant de chaleureux sourires à ceux qui la saluaient. Cela lui réchauffait le cœur, de voir qu'elle était toujours autant admirée et respectée au sein de son élément. Ils avaient confiance en elle. Elle ne devait pas les décevoir, malgré toutes les rumeurs qui couraient à son sujet. Pourquoi devrait-elle se rallier au Feu ? Elle savait bien que Woann en rêvait. Mais il pouvait toujours se brosser pour qu'elle lui obéisse. Atahana dérivait dans ses pensées et ses pas la menèrent hors de sa tour. Bah, tant pis, de toute façon elle avait à peu près fait le tour. Elle regardait autour d'elle, émerveillée comme à son habitude par la beauté des lieux. Elle ne s'en lasserait pas, c'était certain. La jeune femme portait une longue robe bleu pâle, assortie à son regard froid et impérieux. Elle avait relevé ses boucles blondes en un parfait chignon et les avait sertis d'un diadème argenté qui scintillait légèrement. Elle avait l'air d'une reine, elle était une reine, tout simplement. Héritière en tant qu'ancienne Profane et maîtresse de la Terre, elle aimait faire forte impression. Et son éducation lui avait toujours voulu des manières parfaites et correctes, tout autant qu'un style vestimentaire particulier -dépasse pour certains, grandiose pour d'autres. Elle se déplaçait avec la grâce du Cerf, ses talons claquant doucement sur le sol au fil de ses pas. Elle n'avait pas besoin de donner dans la provocation pour être remarquée, c'était là différence avec le Feu.

Ses pas la menèrent à un lieu qu'elle connaissait bien, la bibliothèque. Elle y passait beaucoup de temps, sans doute parce qu'elle aimait étudier sans fin. A cette heure-ci, il ne devrait pas y avoir grande monde. Encore mieux. Elle pénétré dans l'immense lieu et salua d'un grand sourire la bibliothécaire. Depuis le temps, elles étaient presque devenue amies. Mais Atahana ne profitait jamais de son rang pour abuser des lois. Elle rendait ses livres en temps voulu, ne faisait jamais de bruit et ne se donnait pas en spectacle. Une élève modèle, en quelque sorte. Elle alla vers le fond, comme à son habitude. Sa tabler préférée était libre. La jeune femme sourit et alla chercher un libre de botanique -bien entendu- avant d'aller s'installer sous la grande fenêtre de la bibliothèque. En fin de journée, l'ambiance était douce, feutrée, presque romantique. Ce n'était pas pour lui déplaire. Si seulement Woann avait un tant soit peu l'envie d'apprendre, ils auraient pu fréquenter ce lieu magique ensemble. Mais non. Jamais. Elle soupira, chassant ses idées noires. Elle n'avait pas la moindre envie de penser à lui en ce moment. Ils s'évitaient plus ou moins et cela tombait bien, elle n'avait rien à lui dire et ne tenait pas à sentir encore et toujours une multitude de parfums féminins sur lui. Il n'y avait rien de pire pour l'énerver au plus haut point. La demoiselle commença sa lecture, le vide se faisant peu à peu dans son esprit. Elle aimait ça, lire, juste pour la détente et le plaisir. Et son totem aussi, à en juger par le calme qui régnait dans sa tête. Il était concentré lui aussi, même s'il savait probablement déjà tout.

Alors qu'elle était plongée dans sa lecture, elle sentit une présence puissante près d'elle. Le genre de truc que l'on repère. Elle leva les yeux et fronça les sourcils, n'appréciant pas d'être dérangée. « Je te dérange pas ? » Elle sourit d'un air ironique. « Tu vois bien que si, alors pourquoi tu poses la question ? » Il s'excuse en bredouillant, ce qui la surprit encore plus. Elle le connaissait plus ou moins, ce Feu-là. Et il était réputé pour son assurance avec les femmes -et les hommes. Elle avait presque envie de rire, à le voir si enfantin devant elle, comme s'il ne savait pas comment l'aborder. Faisait-il si peur ? L'idée lui plaisait. Au moins, elle ne se laissait pas importuner. Quoique. Elle soupira, haussa les épaules et ferma son livre. Elle invita le Feu à s'assoir en face d'elle, ne lui laissant pas même le choix de refuser. On ne lui refusait jamais rien. Elle l'étudia en silence un sourire aux lèvres. Il était bizarre. « Tu voulais me parler ? Je suppose que oui, sinon tu ne serais pas venu vers moi... Je me trompe ? » Atahana n'était ni méprisante, ni moqueuse. Pour une fois. Elle était simplement intriguée par le comportement peu normal du Feu.

La voir l’inviter comme ça le dérangeait un peu. Il ignorait s’il pourrait se tenir près d’elle sans se comporter comme le dernier des imbéciles, ce qui semblait courant en la présence de la belle demoiselle. Pourquoi réagissait il donc ainsi ? C’était pourtant un maître de l’assurance, qui savait comment se comporter en toutes circonstances. Toutes, sauf celle là il fallait l’avouer. Toutes ses phrases pré faites, toutes ses attitudes semblaient désuètes lorsqu’il lui faisait face. Il avait 21 ans et ce n’était rien de plus qu’un gamin à qui il faut tout apprendre. Tout ça à cause d’une fille, qu’il ne connaissait même pas réellement. Finalement, son geste semblait ne souffrir d’aucun refus, alors le jeune homme s’assit finalement, sans cesser de triturer ses doigts d’un mouvement saccadé. Cependant, ce fût lorsque ses lèvres commencèrent à trembler qu’il s’inquiéta réellement. Cela n’arrivait qu’en cas de forte gêne ou alors qu’il était nerveux et il n’arrivait pas à croire qu’une fille puisse le mettre dans cet état. Il se força à respirer un grand coup afin de faire cesser ses lèvres de trembler. Il ne voulait pas paraître faible face à elle, il s’était déjà suffisamment ridiculisé pour en rajouter une nouvelle couche. Après quelques secondes de combat intérieur, il arrivait finalement à faire stopper le tremblement, bien que sa nervosité soit encore là. Avec un peu de volonté, on arrive à tout faire, même calmer deux lèvres surexcitées… Il leva finalement les yeux vers elle, mal à l’aise à cause du silence profond qui s’était installé entre eux. Elle ne parlait plus et tout à son combat il n’avait pas pu en placer une non plus. Il capta son regard et une boule vint se placer dans son ventre, elle était en train de le jauger et il était certain de n’avoir aucune qualité à lui montrer…

« Tu voulais me parler ? Je suppose que oui, sinon tu ne serais pas venu vers moi... Je me trompe ? » Comment pouvait il expliquer sa présence à ses côtés ? Il n’avait pas grand-chose à lui dire en fait, il avait simplement été attiré par elle. Mais ça, il ne pourrait pas lui dire, c’était inconvenant et elle en imaginerait tout de suite des choses fausses. Bien sûr, il était attiré par elle physiquement, mais ce n’était pas ce qui le poussait vers elle, c’était autre chose, de plus profond, de plus… étrange en fait. Kyp prit finalement une profonde inspiration, finalement tuée dans l’œuf par une remarque de son totem. * « Et là tu lui dis quoi ? Tu vas passer pour un imbécile ! » * Rien dans son ton ne pouvait le tromper, elle attendait ce moment avec impatience et il ne put s’empêcher de la maudire d’être aussi cruelle avec lui. * « Je ne suis pas cruelle… Je ne suis que la vérité, c’est pas de ma faute si t’es pas capable de l’accepter… » * Il se releva brusquement de sa chaise, maintenant très en colère contre son totem. Elle n’avait pas le droit de dire des choses comme ça, non pas le droit. Des larmes vinrent picoter ses yeux alors que son ourse eut un haussement d’épaule mental indifférent. Sa chaise tomba sur le sol avec fracas lorsqu’il fût debout et le bruit le fit sursauter, comme s’il avait été dans un rêve. Son regard se posa finalement sur Atahana et il se sentit rougir encore une fois. Il avait laissé ses pulsions parler à sa place et il se sentait honteux. Il ne réagissait pourtant jamais avec colère, mais il fallait croire que cette goutte fût celle de trop.

« Excuse moi… » Il se baissa finalement pour ramasser la chaise, bien que le mal fût déjà fait, il s’était comporter comme un imbécile heureux, en fait, Gyps avait raison… Cependant il ne l’avouerait pas et il était grand temps pour lui de commencer à agir comme à l’accoutumée et de cesser les gamineries qui n’étaient pas dignes de lui. Il se rassit finalement sur la chaise, face à elle et essaya de se comportement normalement, comme si rien ne s’était passé. « Tu sais, d’habitude je suis pas comme ça… Il faut croire que tu m’impressionnes ! » Il tenta un sourire avenant qui ne fût pourtant que maladroit, décidément, ça ne s’arrangeait pas. Il multipliait les bourdes et se détestait d’ailleurs pour cela. N’est il pourtant pas un don juan, un gars sûr de lui, de ceux dont on prend l’exemple lorsqu’on ne se sent pas assez cool ? « Je me sens ridicule, désolé de devoir t’imposer ça… Peut être que je ferais mieux de partir… » La fin de sa phrase n’était guère plus qu’un murmure, comme si sa voix l’avait lâché en cours de phrase. Décidément oui, rien n’allait plus !